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Question de Mme Valérie Boyer (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 29/02/2024

Mme Valérie Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la prise en charge des mineurs isolés étrangers et le regroupement familial.
L'année 2022 a vu une augmentation des arrivées de mineurs non accompagnés (MNA) en France (+ 30,64 % par rapport à l'année 2021) avec la fin des restrictions de déplacements liées au covid 19. 14 782 MNA ont été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Les trois principaux pays de provenance de ces jeunes sont la Côte d'Ivoire, la Guinée et la Tunisie.
Ces MNA sont majoritairement des garçons (93,2 %), âgés de plus de 16 ans pour environ 75 % d'entre eux. Toutefois, la proportion de filles (6,8 %) est en hausse par rapport à 2021. On compte 1 012 jeunes filles reconnues MNA en 2022 (584 en 2021).
Précisons que, selon plusieurs associations, ces jeunes sont souvent victimes des trafics d'êtres humains : exploitation sexuelle, esclavage domestique, contrainte à commettre des délits, exploitation au travail, mendicité forcée... Parfois ces mineurs cumulent malheureusement plusieurs formes d'exploitation.
Les MNA représentent aujourd'hui entre 15 % et 20 % des mineurs pris en charge par l'ASE, au détriment des mineurs français. Le coût moyen de cette prise en charge est estimé en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an, couvrant le logement, la nourriture, les frais d'éducation et de formation. Les moyens consacrés à cette mission par les départements ont plus que doublé en 20 ans, pour atteindre près de 10 milliards d'euros, assumés entièrement par les départements.
Comme le démontrent de nombreuses études, notamment journalistiques et parlementaires, les MNA sont des mineurs étrangers dépourvus de responsables légaux en France. À ce titre, et selon des règles trop anciennes, ils bénéficient d'un régime parfois trop favorable en matière migratoire et judiciaire. C'est pourquoi désormais les MNA sont devenus une très importante filière d'immigration illégale et une source de délinquance inquiétante.
Rappelons également que les MNA peuvent prétendre au regroupement familial après être entré souvent seul, en toute illégalité sur notre territoire. La Cour de Justice de l'Union européenne a estimé le 30 janvier 2024 « qu'un réfugié mineur non accompagné bénéficie du droit au regroupement familial avec ses parents au titre de l'art. 10 paragraphe 3, sous a), même s'il est devenu majeur au cours de la procédure de regroupement familial. En outre, tant que le réfugié est mineur, la demande de regroupement familial peut être introduite sans être tenu de respecter un délai déterminé. ».
Ajoutons que l'article L561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit notamment que : « si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. ».
L'aide sociale à l'enfance est un principe de solidarité qui honore la France et qui mérite d'être défendu.
Malheureusement ce principe est aujourd'hui mis en péril par le déséquilibre qui existe entre la part des mineurs français pris en charge et les MNA, trop souvent de faux mineurs, qui sont en réalité des migrants économiques ou des délinquants membres de réseaux, favorisant ainsi le trafic d'êtres humains.
Aussi, elle souhaite savoir combien d'étrangers sont arrivés sur notre sol avec cette procédure et le nombre exact de MNA par nationalité.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer publiée le 20/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2024

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 1118, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, l'Italie communique chaque jour les données relatives aux entrées d'immigrés clandestins sur son sol et en fournit chaque mois un tableau de bord complet, depuis 2017. La France est beaucoup moins transparente en la matière.

Ce que nous savons, c'est que, après une légère baisse liée à la crise sanitaire, les arrivées de mineurs non accompagnés (MNA) se sont multipliées en 2023, notamment après la crise de Lampedusa en Italie. Leur nombre a été multiplié par quatre entre 2014 et 2023, passant de 5 033 à 19 370 ; l'augmentation entre 2022 et 2023 était de 31 % ! Il faut ajouter à ce chiffre les mineurs non déclarés, mais surtout les personnes présumées mineures, puisque les départements peinent à vérifier l'âge des demandeurs d'aide, procédure très coûteuse qui reste à la charge des collectivités.

En somme, ce sont plus de 100 000 mineurs non accompagnés qui ont été accueillis depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, c'est-à-dire l'équivalent de la population de Tourcoing, pour citer une ville chère au ministre de l'intérieur. Plus de la moitié d'entre eux arrivent de Guinée, de Côte d'Ivoire et du Mali, pays où la haine de notre pays ne fait que croître. S'y ajoutent des personnes originaires de Tunisie, d'Algérie ou encore du Maroc, pays qui ne sont pas en guerre.

Quel est le coût de cet accueil ? Il est estimé en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an, ce qui englobe le logement, la nourriture et les frais d'éducation et de formation. Selon les données dont nous disposons, cela représente un budget de 3,6 milliards d'euros pour les finances publiques !

Que se passe-t-il quand un MNA atteint la majorité ? Combien d'entre eux restent pris en charge de 18 à 21 ans ? Combien rentrent chez eux à leur majorité, et combien bénéficient du regroupement familial et sont rejoints par leurs familles ? Combien, après avoir bénéficié de cette prise en charge, deviennent français ? Enfin, alors que ces pays abandonnent leurs enfants, la France se fait-elle rembourser cette prise en charge ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Madame la sénatrice Valérie Boyer, comme vous le savez, les mineurs non accompagnés, âgés de moins de 18 ans et séparés de leurs représentants légaux sur le sol français, relèvent de la compétence de plusieurs ministères, mais aussi de celle des départements, au titre de l'aide sociale à l'enfance. Le ministère de l'intérieur et des outre-mer apporte un soutien à ces derniers dans la phase d'évaluation de la minorité, rendue spécialement difficile en raison de l'absence de documents d'identité ou des lacunes de l'état civil des pays d'origine.

L'étranger reconnu MNA bénéficie sur le territoire d'une protection absolue à l'encontre de tout éloignement forcé durant sa minorité. Le rapport d'activité pour 2022 de la mission nationale « mineurs non accompagnés » précise que 14 782 ordonnances ou jugements de placement ont été pris cette année-là ; certains de leurs bénéficiaires peuvent demander l'asile.

Vous m'invitez à donner des chiffres ; en voici, madame la sénatrice. Selon le rapport d'activité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) pour 2022, il apparaît qu'environ mille mineurs non accompagnés ont introduit une demande de protection internationale cette année-là. Ils proviennent à 64,3 % d'Asie - à 60,7 % d'Afghanistan - et 31,8 % d'Afrique.

Le taux des protections reconnues par l'Ofpra aux MNA demeure élevé - 82,5 % -, à l'instar des années précédentes, et excède nettement le taux global de protection de l'Office, qui est de 29,2 %.

Un mineur reconnu réfugié ou bénéficiant de la protection subsidiaire peut demander la réunification familiale pour ses père et mère, accompagnés éventuellement par ses frères et soeurs mineurs non mariés. Cette procédure est une voie d'immigration fondée, rigoureusement appliquée, en particulier pour ce qui concerne la documentation et la réalité des liens familiaux.

Le ministère de l'intérieur et des outre-mer cherche bien à détecter, le plus en amont possible, les ressortissants étrangers se déclarant MNA alors qu'ils sont en réalité majeurs.

À cet égard, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants et les textes réglementaires pris pour son application ont renforcé l'efficacité de cette entreprise, en prévoyant tout d'abord l'obligation de présenter en préfecture et d'exploiter le fichier d'appui à l'évaluation de minorité, permettant de limiter les demandes successives dans plusieurs départements.

L'obligation de rendre le préfet de département destinataire du résultat de l'évaluation de minorité lui permet en outre de tirer les conséquences d'un état de majorité de la personne en cause.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, je souhaiterais savoir précisément combien de MNA sont devenus français une fois leur majorité atteinte. On sait parfaitement que nombre d'entre eux ne sont ni mineurs ni non accompagnés, puisqu'ils appartiennent à des réseaux.

Par ailleurs, madame la ministre, retrouve-t-on leurs parents à ce moment-là ?

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Valérie Boyer. Enfin, la France demande-t-elle aux pays d'origine le remboursement de la prise en charge dont ces personnes ont bénéficié ?

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